L’opération TBI PrimTICE avait été un grand succès. Malheureusement, la mise en place progressive de la Lolf (http://www.education.gouv.fr/cid31/la-lolf-qu-est-ce-que-c-est.html) a rendu impossible la délégation de crédits fléchés au terrain. Le Ministère a donc trouvé une solution très astucieuse en proposant de financer 80% de l’équipement d’une classe numérique rurale, à condition que la collectivité (la commune de moins de 2000 habitants) paye les 20 % restants et que cet accord soit validé par l’Éducation nationale.
Cette mesure est astucieuse, car elle évite que les sommes soient utilisées à autre chose que le financement des classes numériques, tout en impliquant fortement l’éducation nationale et, d’une façon plus insidieuse, fait passer le message que l’équipement informatique, c’est l’affaire des collectivités, ce qui était loin d’être acquis dans les esprits des dites collectivités.
Un autre point intéressant de ce plan était qu’il mettait aussi en avant les ressources, en permettant aux enseignants de choisir dans un catalogue, les éléments qu’ils auraient eu sans doute du mal à financer.
Ce plan était plus largement une des mesures du plan de relance de l’économie mis en place par le gouvernement de l’époque. Là encore, en équipant les plus petites communes, on créait un levier, difficile pour les communes voisines, plus grosses, de ne pas envisager d’équipement.
L’opération s’est déroulée en deux vagues principales sur les années 2009 et 2010.
Que comportait la classe numérique rurale, façon ENR ?
La classe numérique rurale avait la volonté d’articuler deux outils. Le TBI d’une part et la classe mobile d’autre part. Le cahier des charges prévoyait d’ailleurs l’utilisation d’un « logiciel de gestion pédagogique de classe » destiné à la fois à surveiller et alimenter les ordinateurs des élèves, mais aussi à assurer le dialogue entre le TBI et les ordinateurs des élèves.
Pour la première fois, il a été conseillé que le vidéoprojecteur soit intégré au TBI, ce qui permettait d’équiper l’ensemble d’un dispositif de réglage en hauteur, si commode en classe.
Malheureusement, ce dernier point a été moyennement suivi, n’étant pas obligatoire. Cependant, une très grande partie des acteurs a joué le jeu et ce qui pouvait apparaître comme un rêve insensé est désormais devenu la norme. Souvenons qu’avant cette opération, les vidéoprojecteurs étaient posés sur les tables, voire sur la sellette du projecteur diapo et que l’effet d’ombre projetée pénalisait la fluidité d’utilisation de l’outil, sans parler du vent et du bruit de la soufflerie du projecteur au niveau des têtes des enfants et de l’aveuglement à chaque fois que l’on tournait la tête vers le projecteur.
Le cahier des charges prévoyait plusieurs éléments : • Une solution de tableau blanc interactif – un tableau blanc interactif, de préférence fixe, ajustable en hauteur avec bras porteur et vidéoprojecteur à courte focale, accompagné d’un système de sonorisation ; – un ordinateur associé au TNI ; – des ressources pédagogiques permettant des usages du TNI avec les élèves. • Une classe mobile constituée par : – un matériel de rangement sécurisé, raccordable aux réseaux électrique et informatique, fixe (type armoire) ou déplaçable (type chariot, valise) ; – des micro-ordinateurs portables élèves (Wi-Fi et autonomie de la batterie supérieure à 4 heures, durée garantie sur les trois ans) : 12 si écran 9 pouces minimum ou 8 au minimum si écran 12 pouces au moins – équipés chacun d’un ensemble Webcam, d’un microphone intégré et d’une souris et livré avec une suite bureautique installée ; les batteries devaient être rechargeables à 90% en 1 heure 30 ; – un micro-ordinateur portable enseignant (écran 12 pouces minimum, technologie Wi-Fi et autonomie de la batterie supérieure à 4 heures) avec Webcam et microphone intégré, livré avec une suite bureautique installée ; – un logiciel de supervision pédagogique des postes ; – une solution de réseau sans fil à base de bornes Wi-Fi compatibles et facilement connectables. •Une solution d’impression – une imprimante réseau laser noir & blanc ou couleur. L’offre pouvait comprendre d’autres options : visualiseur, caméra, scanner, balado-diffuseur, boîtiers de vote, micro-casque, etc. |
Une belle réussite
Même si la mise en œuvre n’a pas été parfaite sur tout le territoire, l’opération a été globalement une réussite pour les raisons suivantes :
- Les configurations de TBI ont nettement progressé avec de plus en plus de solutions mieux adaptées avec des projecteurs au plafond ou solidaires du tableau et même un bon pourcentage de systèmes réglables en hauteur.
- La formation a été bien mieux prise en compte que dans l’opération TBI PrimTICE ou les enseignants avaient été dans une bonne mesure obligés de se débrouiller seuls. La plupart des Directions académiques (qui s’appelaient à l’époque encore des Inspections académiques) ont mis en place de véritables processus de formation, complémentaires des formations de prise en main proposées par les vendeurs des équipements.
Mais ce n’est qu’une partie du parcours
En effet, si globalement l’effet a été positif, il me semble que l’on aurait pu en profiter pour aller plus loin d’un point de vue pédagogique. En effet, si on classe en quatre niveaux l’utilisation d’un TBI, à savoir :
- Aucune utilisation
- Utilisation en vidéoprojecteur
- Utilisation en interactivité (correction, écriture, présentation et annotation de documents, utilisation de logiciels « interactifs ».
- Utilisation en interaction (le TBI sert à faire participer les élèves en les rendant acteurs, notamment pour la construction des savoirs).
Le constat force à vérifier que si peu d’enseignants n’en ont aucune utilisation, la majorité des utilisations se fait dans les catégories 2 et 3. Très peu, trop peu d’enseignants ont atteint le véritable niveau d’utilisation du TBI, à savoir le mode en interaction qui seul permet avec un effet évident, d’aider les élèves les plus en difficulté.
Une dynamique qui se poursuit
Le plan ENR a apporté 67 millions d’Euros à l’équipement des écoles. La partie TBI ne représente qu’à peine un tiers de cette somme, soit environ 20 millions d’euros, ce qui est déjà très bien pour une mesure d’impulsion.
À ce sujet, il est très intéressant de noter la différence d’attitude des enseignants vis-à-vis de ce plan entre la première et la seconde vague.
Lors de la première vague, les questions des enseignants étaient du type. « Si on ne prend pas le TBI, peut-on avoir plus d’ordinateurs ? », le rêve de l’époque étant un ordinateur par élève. Lors de la seconde vague, la question récurrente était devenue : « pouvons-nous équiper toutes les salles de classe en ne prenant pas tous les ordinateurs prévus ? ». Comme pour la première vague, la réponse fut globalement non, mais le mouvement était amorcé et très souvent la municipalité a joué le jeu en continuant l’équipement des autres classes de leur école en TBI.
Aujourd’hui, l’intérêt pour les TBI dans le primaire ne semble pas s’être relâché et c’est une bonne chose, car bien utilisé, cet outil permet à plus d’enfants de réussir, c’est-à-dire de prendre confiance, de rentrer dans une démarche de construction des savoirs et même, dans les meilleurs cas, collaborative.
Certains pays sont plus avancés que la France sur ce dernier point. Citons par exemple les pays scandinaves dont certains ont dépassé les 100 % de taux d’équipement de leur classe, c’est-à-dire qu’un deuxième tableau commence à faire son apparition afin de favoriser le travail collaboratif en groupe.
Aux USA et au Canada se généralise aussi ce type d’usages, mais à une échelle à l’Américaine puisque certaines salles de classe disposent d’une demi-douzaine de tableaux permettant des séances où les élèves travaillent tous en groupe, chaque groupe ayant son tableau.
Pour la France, faisons à minima en sorte que les tableaux arrivent dans un nombre significatif de classes, au moins dans des proportions équivalentes à celles de nos voisins et surtout que les usages deviennent le plus pédagogiques possible.